« La crise de la représentation est fréquemment évoquée lorsqu’il s’agit de politique, alors même qu’elle est générale et planétaire, qu’elle concerne aussi les domaines scientifiques – les chercheurs peinant à renouveler leurs problématiques et leurs méthodes – et qu’elle prolonge celle qui agite, depuis maintenant deux siècles, les mondes de l’art, en quête de pertinence politique et de liens renouvelés avec les sciences sociales. Nos difficultés à représenter ce que nous sommes et ce que nous allons devenir, mais aussi l’urgence à y parvenir, sont particulièrement mises en lumière par la crise écologique. Les controverses sur les causes et la durabilité du changement climatique, et donc sur la nécessité d’opérer ou non une transformation de notre mode de vie, sont notamment induites par la multiplicité des lectures existantes (politique, économique, sociale, etc.), abusivement cloisonnées. La prise de décisions butte ainsi sur notre incapacité collective à représenter les enjeux d’une façon à la fois exacte, sensible, sensée et partagée. Si nous voulons apporter une réponse à cette triple crise de la représentation, être à la hauteur des enjeux actuels, parvenir à composer un monde commun et relancer ce qui fut toujours la grande ambition de la politique – créer un espace public vivable et partageable -, nous devons davantage collaborer, apprendre des uns et des autres et avancer ensemble. D’où le projet de créer à Sciences Po une formation originale et unique à ce jour renouant les liens entre les disciplines. Nous voulons inventer une nouvelle façon de travailler dans laquelle les pratiques artistiques jouent, au même titre que les méthodes scientifiques, un rôle essentiel dans l’analyse conjointe d’un problème de société, avec, en ligne de mire, un objectif : la prise d’une décision politique. SPEAP entend ainsi contribuer au débat public et à la recherche sur les modes de représentation des enjeux contemporains les plus vifs et, par là, à la reprise de la grande question politique : Dans quel monde souhaitons-nous vivre ? Quelle version du mondial et du global est préférable ? Comment représenter et simuler ces différentes alternatives ? Nous faisons également le pari que faire travailler ensemble des artistes et des chercheurs autour de projets concrets et réels, en contact permanent avec ce qui se fait de mieux dans le monde dans ces domaines, ne peut que favoriser des parcours d’excellence. Telle est la double ambition de SPEAP. »
Bruno Latour , directeur adjoint de Sciences Po, chargé de la politique scientifique. Directeur de SPEAP (Sciences Po – Expérimentation en Arts et Politique).
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