— Christophe Rulhes —
Qu’ont-à voir ensemble les arts et les sciences humaines, l’ordinaire et le théâtre ? Vers quelles fabulations et pour quel peuple ? Né dans une famille paysanne et occitane dans l’Aveyron où il grandit, Christophe Rulhes pratique depuis l’enfance les arts vivants, la musique et le chant, en multiinstrumentiste, à l’oreille et au geste. Adolescent, il partage avec l'artiste ruthénois Mathieu Blanc un parcours musical où il fonde de nombreux groupes. A quatorze ans il est sur scène à la Nuit Blanche du Blues à Najac en première partie de Steve Cropper et Eddie Floyd. Il quitte le Rouergue à dix-sept ans pour suivre des études supérieures à Toulouse en communication, sociologie, puis en anthropologie en doctorat de l’EHESS.
C'est là que, durant les années 1990, il œuvre en pluridisciplinarité avec le Complot Ultra Frêle, collectif d'artistes où se côtoient danse, texte, vidéo, musiques improvisées, rock, punk, jazz contemporain. Il y joue de la guitare, des instruments à vent, de l'électronique, chante, avec les compagnies de danse du Pied Gauche et l'Orchidée ou le groupe Maoajit qu'il cofonde en 1994 avec Mathieu Blanc et le poète Frédéric Forte. Au sein du CUF, il rencontre notamment la chorégraphe Lucie Vigouroux, l'illustrateur Benoît Bonnefritte, le batteur Alexandre Piques ou le vidéaste Amic Bedel avec lesquels il jouera dans son groupe Loule Sabronde. Tout en poursuivant des études d’anthropologie, il découvre des passerelles entre arts et ethnographie, utilise dans ses créations des collectages sonores et des bribes d'entretiens enregistrés, s'intéresse à la mise en scène de la parole. En tant que chanteur, il œuvre dans les musiques orales vers la théâtralité d'un dire brut, engagé et direct. Habité par les sons de l'enfance paysanne, il suit au Conservatoire Occitan de Toulouse les cours de cornemuse et de musique traditionnelle du "maître" rouergat de cabrette Claude Roméro et crée LoRulh, concert vidéo électronique avec des images d’Amic Bedel collectées dans l'Aveyron, qu’il reprendra au sein du GdRA avec l’acrobate Tom Colin en 2026.
Entre 1999 et 2005 il collabore avec Générik Vapeur à Marseille, en tournée en France, Pologne, Espagne, Italie, Pays-Bas, toujours dans la pluridisciplinarité, à la croisée de la musique et de la performance. Il s’y rapproche des questions de dramaturgie et de mise en scène, y rencontre le collectif de cirque AOC ou les artificiers du Groupe F. Début 2000 au Théâtre de la Minauterie à Marseille, avec la chorégraphe grecque Polytimi Voikou et le performeur Julien Faure alors déjà membre de la Need Company à Bruxelles, il crée la pièce Stamata#1. Il y rencontre l’ingénieur du son Pedro Theuriet avec qui il initie une complicité artistique et sonore qui perdure encore aujourd’hui au cœur du GdRA. Toujours début 2000, avec l'acrobate Sodadeth San il s'attache aux mondes du cirque. Il est invité par le circassien chorégraphe Damien Fournier et le metteur en scène Christian Coumin pour composer et jouer la musique de Comme neige qui devient O2, une création de La Clique où il se noue d’amitié avec l’acrobate Julien Cassier et le comédien Sébastien Barrier. La costumière Céline Sathal qu’il a rencontré au sein de Générik Vapeur y réalise le stylisme, inaugurant une longue complicité dans la vie, dans les arts, jusque dans l'histoire du GdRA. En 2005, tout en essayant de finir un premier parcours doctoral en sciences humaines avec Jean Pierre Albert et Daniel Fabre à l'EHESS de Toulouse, il crée Tempi di Sumenti avec le trio Loule Sabronde, le réalisateur Amic Bedel et L'Alba collectif de chanteurs Corse : une pièce fondatrice dans laquelle il met en scène, pour la première fois, vidéos, enquête ethnographique, anthropologie, musiques, textes à chanter. Il décide alors de poursuivre ses recherches anthropologiques avec les arts.
En 2006, il cofonde le GdRA avec Julien Cassier et Sébastien Barrier et invite Benoît Bonnefritte, Amic Bedel, Pedro Theuriet, Céline Sathal, Chris Modica à rejoindre l’équipe d’une première pièce qu’il intitule Singularités Ordinaires, à la croisée de l’anthropologie, du théâtre, du cirque et de la musique. Dès lors, au sein de ce collectif qu’il nomme, tel un laboratoire de recherche en sciences humaines, « le Groupe de Recherche Artistique », il conçoit, écrit, met en scène et joue, pour une trentaine de pièces de théâtre d’enquête et documentaire, opéra, spectacles musicaux, circassiens ; témoignages scéniques où la parole s’entend selon des perspectives, des corps et des langues croisées. En 2012 sur l’île de la Réunion, invité par la compagnie de cirque Cirquons Flex à collaborer à la mise en scène et à la dramaturgie de la Pli i donn de Virginie le Flaouter et Vincent Maillot, il rencontre Lizo James et Maheriniaina Ranaivoson avec qui le GdRA créera Lenga quelques années plus tard.
Au sein de ses mises en scène avec le GdRA, la chair et la Personne tiennent toujours une importance centrale, en transe, dansante, acrobate, parlante, chantante, rituelle, narrative. Il s’agit de dire des Personnes et des corps, de faire expérience et récit de nos singularités ordinaires. Cette démarche à la croisée des arts, de la musique et de l'anthropologie visuelle lui vaut dès 2009 la reconnaissance et l'amitié de Bruno Latour et, en 2023, un doctorat en anthropologie par Validation des Acquis et de l'Expérience, sous la direction complice de Barbara Glowczewski, à l’EHESS et au Laboratoire d'Anthropologie Sociale (Collège de France, EHESS, CNRS).
En 2019, les textes théâtraux qu'il écrit ou co-écrit sont publiés aux éditions des Solitaires Intempestifs, et invitent les contributions de nombreux membres du GdRA, photographes, autrices et auteurs, illustrateurs, avec une préface de la philosophe des arts et de la participation Joëlle Zask.
En 2025, il rejoint OSPAPIK, programme de recherche européen avec qui le GdRA coproduira Silikeimë en 2026, en compagnie de la circassienne Charlotte Le May et du peintre conteur amazonien Aimawale Opoya.
— Julien Cassier —
Très jeune, il débute la voltige équestre, ce qui l'emmène sur les routes d’un cirque itinérant entre calèches, chevaux et chapiteau. Un désir fort vers les arts de la scène l'amène au Lido, École Supérieure des Arts du Cirque de Toulouse. Il intègre ensuite le Centre National des Arts du Cirque d'où il sort en 2000 avec La Tribu Iota une mise en piste de Francesca Latuada.
Il participe à la fondation de nombreuses compagnies dont Baro d’Evel où il créé la première pièce Porque no ! . En tant qu’interprète, Julien Cassier participe à la création du Luthier de Venise, au théâtre du Châtelet à Paris, un opéra de Gualtiero Dazzi, mise en scène Giorgio Barberio Corsetti avec une Direction musicale d’Alain Altinoglu. Il travaille sur Les chemins de Damas d’August Strindberg à l’invitation de la comédienne et metteur en scène Laurence Mayor. Avec Aurélien Bory et Phil Soltanof au sein de la Compagnie 111 il crée la pièce Plus ou moins l’infini qu'il joue en France comme à l'étranger.
En 2005, il cofonde avec Christophe Rulhes le GdRA qui verra le jour en 2006 et de questionner sur les plateaux de théâtre par le corps, la musique et le jeu, leurs attachements respectifs aux gestes et paroles paysannes. Ce travail collectif le nourri et le déplace. Au sein de la compagnie, il conçoit les pièces, tisse des liens entre narration et chorégraphie, il scénographie de nombreux projets et insufle son énergie dans la dynamique artistique et la gestion du collectif. Il s’aguerrit aux techniques de l’enquête de terrain, prises de son, d’images et montages ; il tisse des liens entre documents de collectage et plateau. La fiction théâtrale, les corps engagés et le jeu sont pour lui des moteur indispensables dans son approche de la scène.
Par ailleurs, il poursuit ses collaborations artistiques : Avec le Groupe acrobatique de Tanger il travaille sur le spectacle Taoub mise en scène par Aurélien Bory, sur Chouf OuChouf de Zimmermann - de Perrot et FIQ circographié par Maroussia Diaz Verbèke. Plus, récemment il reprend Mazùt de Baro d’Evel à l’invitation de Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias. Il joue également dans Talk-Show une pièce de Gaël Santisteva. Comme scénographe il collabore avec la chorégraphe Stéphanie Fuster dans l'écriture de sa pièce sur Don Quichotte qui verra le jour fin 2025.
