Singularités ordinaires
Singularités ordinaires met en scène trois récits de vie. Arthur Genibre, 86 ans, habite en France dans le Quercy rural. Dans un contexte fait d’injonctions fortes – « tu seras cultivateur et rien d’autre» – il a trouvé une position de musicien guérisseur, se cachant pour apprendre la musique et lisant ses œuvres « dans les astres ». Wilfride Piollet, 64 ans, est danseuse étoile retraitée de l’opéra de Paris. Elle dit s’être « marginalisée » en créant les principales pièces « post-modernes » du répertoire des années soixante-dix et quatre-vingt. Elle a « lâché la barre » pour créer sa propre pédagogie. Michèle Eclou-Natey, 41 ans, femme d’origine algéro-togolaise éduquée par une famille italo-arménienne à Marseille, passe son temps dans un bar où tout laisse à penser qu’elle est malvenue. On l’y appelle « la nègre ». Mais elle renvoie les mots, déjoue le racisme et laisse voir le bar comme un terrain de sincères élections affectives. Ces trois personnes, entre exceptionnel et ordinaire, vocation et bricolage biographique, dans des situations parfois très difficiles et conflictuelles, inventent des places et parviennent finalement à se raconter : elles tiennent debout, partagées entre la fragilité et la capacité de l’être.
Sur scène, au cours d’un récit en cinq chapitres traversé de films et d’extraits d’interview recueillis auprès d’Arthur, Michèle et Wilfride, Julien Cassier, Sébastien Barrier et Christophe Rulhes se font les passeurs de ces trois histoires de vies, alliant leurs techniques mutuelles : mouvement, musique et verbe.
LA VIGNETTE | FRANCE INFO - 2010 - AUDE LAVIGNE
LE MONDE | 2010 | FABIENNE DARGE
Ils ont mis leurs talents et leurs envies en commun,
et, dans Singularités ordinaires, ce qui se raconte est porté à la fois par la parole, l’espace, les images vidéo, la musique, le mouvement et le graphisme […] par tout ce qui peut amener une forme de déconstruction énergique et joyeuse, au service d’un travail qui, sans avoir l’air de trop y toucher, questionne la notion de culture – vernaculaire, élitiste ou populaire, locale ou universelle – dans la lignée du philosophe et sociologue Bruno Latour, l’auteur d’Un monde pluriel mais commun et de Nous n’avons jamais été modernes, dont ils sont proches.
[…]
Le GdRA nous emmène sur ces nouveaux territoires de l’art qui sont à la fois géographiques, politiques et formels, dans l’entremêlement des superbes figures acrobatiques de Julien Cassier, de la capacité à observer le réel de Christophe Rulhes, de la force oratoire de Sébastien Barrier, et de leur générosité commune.
L’HUMANITE | 2010 | MARIE-JOSE SIRACH
D'entrée de jeu, on est séduit !
Ils fondent le GdRA, « nom acronyme comme ceux des groupes de recherche de l'EHESS ou du CNRS », disent-ils en guise d'explication. Et débarquent à Avignon avec Singularités ordinaires. D'entrée de jeu, on est séduit. [..] Les artistes excellent dans leur art respectif et c'est un régal de les voir jouer, danser, parler, chanter. II y a des moments magiques. Singularités ordinaires est une proposition qui foisonne de trouvailles et témoigne d'une vitalité dans un genre peu usité, le théâtre documentaire, travaillant avec pertinence sur des lignes de fractures que ce collectif d'artistes parvient à réunir haut la main sur le plateau.