Théâtre
& Formes

Siffleurs de danses

Pièce pour deux acrobates et voix adolescentes

Acrobaties ritualistes et engagées d’hommes oiseaux, danses répétitives et débridées, questionnent et montrent la métamorphose de la jeunesse, entre approbation et transgression. Pour une œuvre mixte, des paroles de l’anthropologue Daniel Fabre et des témoignages d’adolescents notamment collectés à Tarbes, tel un texte théâtral, sont accompagnées par une création musicale et sonore. Où sont passés ces garçons qui modulent des sifflements, manient le canif, grimpent aux arbres et aux murs pour éprouver le vertige ? Sont-ils toujours là, à vouloir devenir homme, imitant l’ours et dénichant l’oiseau ? Après une enquête en lycées et auprès d’adolescent.e.s, le GdRA écrit une chorégraphie pour deux acrobates hommes oiseaux. Ils voltigent aux paroles de jeunes gars qui vivent à la campagne ou en ville, chassent, font du quad, aiment les engins et Minecraft, arpentent les frontières du sauvage pour mieux devenir aimables, adultes et amoureux. Avec l'aide du points de vue des filles, elles et ils se questionnent aussi sur le genre, se déclarent nonbinaires, découvrent leur homosexualité, évoquent de nouvelles masculinités. Ces témoignages dansés trament avec une musique de sifflets, de chants occitans, de guitare et de rugissements : un hommage à l’anthropologue Daniel Fabre dont la pièce restitue la voix.

La voie des oiseaux

Il y a quatre ans disparaissait soudainement Daniel Fabre dont je fus l’élève à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Daniel Fabre faisait une superbe anthropologie de l’aire occitane, méditerranéenne et pyrénéenne. Il décrivait des formes esthétiques qui m’éblouissaient. Elles réveillaient les souvenirs de ce que j’en avais vu et ressenti dans le Rouergue, veillées, fêtes, marches forestières, tenues au dehors. Danie décrivait la chasse aux oiseaux que menaient les garçons des campagnes, les tapages violents qu’ils engageaient la nuit, il parlait des fêtes de l’ours dans les Pyrénées où les jeunes hommes se transformaient en thériantropes déchaînés. Il avait parfaitement décrit l’initiation invisible qui distinguait les femmes des hommes dans les sociétés paysannes de nos grands-parents et qui marque peut-être encore les corps des jeunes collégiennes et collégiens, lycéennes et lycéens, entre sexualités, explorations des limites, vers le sauvage, la désobéissance, la transgression, la métamorphose et l’identité. Julien Cassier, à la lecture des textes de Fabre sur la jeunesse, me dit voir comme un portrait du circassien en déséquilibre, cherchant la chute, le vol, le point de rupture, toujours à partir du corps extrême, du corps en épreuve, du corps limite, dans l’engagement de la chair.

Christophe Rulhes, 18 octobre 2020.

 

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